dimanche 21 janvier 2007

Politique archipélagique

Et la politique, ah la politique! Heureusement, il y a cette distraction!
Pour apprécier, un peu de contexte: la Polynésie est depuis 2004 un pays d'outremer. Comme restes de l'empire colonial, il y a des territoires, des départements, mais pas de pays. C'est le seul. Il a donc un président, une assemblée territoriale, et un gouverneur. Qu'on appelle haut commissaire du gouvernement. En ce moment, une femme, Anne Boquet. L'assemblée est élue, et choisit un président pour le pays. Il contrôle les finances, les fonctionnaires, etc., mais pas l'armée, ni la police, prérogatives d'état. Ni l'éducation, on suit le programme. On n'emploie pas l'euro, mais le franc pacifique, à parité fixe avec l'euro quand même, sinon on ne s'y retrouverait pas. Rien à voir avec le franc CFA, dommage, on y était bien habitués, c'était le franc d'avant le nouveau franc.
Pour la santé, dieu sait pourquoi, ils en ont voulu l'entier contrôle, qu'ils ont depuis 2004. Ce qui veut dire que le code de la santé publique, qui régit le fonctionnement des établissements et des professionnels de la santé en métropole, (et accessoirement régit aussi la vie des médecins inspecteurs...) ne s'applique pas. Moralité, il n'y a pas de lois dans le domaine de la santé, les établissements ne sont pas autorisés, etc. Enfin, presque, car mes collègues depuis quelques années se sont employés à transcrire en « lois de pays », ou en « délibérations » (un genre de décret) des morceaux choisis du code. Mais il en manque encore beaucoup. Quand le ministre est de bonne composition, ça peut avoir un côté amusant; un exemple: l'hôpital de Papeete, dont le président du conseil d'administration n'est autre que le ministre de la santé soi-même, appréciez le cadeau, n'a pas prévu dans son règlement intérieur que les médecins inspecteurs (qui n'existent pas non plus vraiment, mais enfin, on admet qu'ils existent) assistent à ses réunions internes, genre commission médicale d'établissement (en métropole, on y siège de droit). Pas de regard extérieur dans la cuisine. On lui demande gentiment de nous inviter, ah non désolé, voyez vous même, le règlement ne le prévoit pas. Que faire, sinon changer le règlement? Dans la foulée, on rédige un nouveau texte, que le ministre signera, et voilà. Le ministre en effet n'est pas si lointain qu'à Paris, on y a accès, on le tutoie, les dames l'embrassent, c'est un bon garçon.
Rajoutons dans le tableau le principal financeur des cliniques comme de l'hôpital, la sécu locale, dite CPS, Caisse de Prévoyance Sociale, bonne fille, pas regardante. Elle possède des immeubles? Pourquoi ne pas en louer un à une des deux cliniques privées? Les cliniques vont fusionner et construire une super clinique d'ici quelques années (je vous passe les détails)? La cps achète, avec le « territoire » (la Polynésie française, quoi) le terrain qu'on leur louera.
Alors nous, dans ce milieu (j'ai dit milieu? Je voulais dire milieu) on ne nous attend pas vraiment.
Quand je suis arrivé, le ministre, c'était une femme, venue de la banque, mais bon, un bon ministre, c'est quelqu'un de bien entouré. Elle a démissionné parce que le président, on y vient, lui faisait de petites crasses, genre parler en réo ma’ohi (ce que nous appelons le maori) au conseil des ministres alors qu'elle ne le pratique pas couramment. C'est que c'est une demi.
Et disait des horreurs, genre « les médecins à la mer! » Pas à la plage, « à l'eau! dehors les étrangers! »
C'est que c'est un indépendantiste.
Il en a marre du colon français, il veut changer de maitre. Parce qu'entre nous, une Polynésie indépendante, c'est pas un concept réjouissant pour ses pauvres habitants. Pas de ressources à part le tourisme, et un budget qui vient en quasi totalité de cet état honni du président. Il les prévient d'ailleurs, autant ne pas perdre la main et apprendre aux jeunes à grimper au cocotier et à pêcher dans le lagon. (« Je vais proposer que l’école ne commence qu’à 9 heures le matin. De cette manière, les parents auront le temps d’apprendre à leurs enfants à jardiner et à pêcher. »)
Je vous entends déjà, oui, mais le président, il a bien été élu, non? Élu, oui en 2004, bien, c'est une autre affaire. Il est passé ric rac, grâce à deux élus d'un petit parti centriste (affiliés à Bayrou), qui se sont ralliés à lui. Il est surtout passé parce que les gens en avaient marre du cacique Flosse, sénateur UMP, aux affaires depuis 20 ans. Flosse, il tutoie Chirac, ça c'est normal, à Tahiti, on tutoie encore plus facilement qu'en Afrique de l'ouest. Plus rare, Chichi est le parrain (j'ai dit parrain? Je voulais dire parrain) d'un de ses fils. Depuis, il manipule les syndicats et sa milice pour faire tomber le gouvernement. En octobre, ils ont bloqué avec des trucks, les trucks ce sont les bus locaux, en bois, les entrées de Papeete.


Pendant je ne sais combien de jours. Comme ça ne marchait pas, ils se sont enfermés dans le jardin de l'Assemblée, et n'en ont été délogés que par les CRS et leurs grenades lacrymogènes (compétence d'État, vous vous souvenez). Personne n'a crié au coup d'état, et il n'y a pas de poursuites engagées. Il faut dire qu'Oscar (Temaru) avait pas mal pratiqué ce genre de tactiques quand il était dans l'opposition. Depuis, Gaston a réussi à le faire tomber en rachetant les élus de petits partis, qui ont voté une motion de censure. Donc grande activité de part et d'autre pour les garder ou les faire revenir, le paréo étant heureusement plus reversible qu'une veste doublée. Le 26 décembre, on a donc changé de président, (et donc de ministre de la santé) car quatre élus de petits partis « iliens » ont retourné le paréo. En cas d'ex-aequo, c'eût été le plus vieux qui eût gagné. Genre de règle qui fait hausser les sourcils aux filles Pérez, qui commencent à s'intéresser à la politique. C'est plus facile dans un tout petit pays, avec les infos locales à la télé qui nous montrent le fonctionnement de l'Assemblée par exemple. Ils étaient tellement sûrs du deal obtenu qu'ils sont allés s'installer dans leurs bureaux avant l'annonce de la constitution du nouveau gouvernement!
Nous retrouvons donc la famille chiraquienne. Je résume donc, nous avons un parti affilé à l'UMP, un indépendantiste qui se réclame du PS, et des petits qui flottent.
Oscar joue en démagogue, en populiste, du corollaire xénophobe de son indépendantisme. Ça plait par endroits, c'est sûr, mais la révolution n'est pas pour demain.

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